ÉDITORIAL

 

Développement durable et développement de l’enfant : quels liens ?

 

A.N.A.E. N° 143 – OCTOBRE  2016

 

 La question du développement durable peut nous sembler très éloignée de celle du développement des enfants. Pourtant de nombreuses données scientifiques provenant de différents champs comme la psychologie et les sciences de l’environnement ou écologiques établissent des liens causaux entre la pollution environnementale et les capacités cognitives des enfants.

 

Le psychologue James Flynn a comparé les scores obtenus dans les tests d’intelligence générale par différentes générations dans 35 pays industrialisés. Pour la seconde moitié du XXe siècle, les résultats révèlent une augmentation d’environ 20 points de Q.I. Divers progrès comme l’amélioration des conditions de vie (soins, alimentation, etc.), l’allongement et la généralisation de la scolarisation, l’investissement parental dans l’éducation, ou encore l’accès à de nouvelles technologies améliorent des compétences testées, comme les transformations visuo-spatiales ou les rotations mentales. L’ensemble des jeunes adultes d’une classe d’âge est concerné et cette amélioration est encore plus forte chez les personnes ayant un faible score.

 

Cependant, certaines études commencent à observer des baisses des scores de Q.I. de quelques points dans certains pays (Norvège, Danemark, etc.). Dans une étude de 2015, des chercheurs constatent également une baisse de 3,8 points en France entre 1999 et 2009. La principale hypothèse concernant ces baisses n’est autre que l’impact de la pollution environnementale.

 

La synthèse des recherches présentées par Barbara Demeneix (biologiste et endocrinologue) en 2016 montre que les perturbateurs endocriniens présents dans notre environnement et notre alimentation ont des effets très négatifs et durables sur le développement neurocognitif des enfants. Le cerveau des enfants est toujours plus vulnérable que celui des adultes. Dans son remarquable ouvrage, elle soutient que l’augmentation actuelle de l’incidence des TSA (trouble du spectre autistique) et d’autres troubles mentaux ou comportementaux comme le TDA/H (déficit de l’attention et hyperactivité) s’explique non seulement par évolution des définitions diagnostiques et/ou des facteurs génétiques mais aussi et surtout par des facteurs environnementaux comme la pollution chimique. Ces augmentations ont des effets significatifs socio-économiques et culturels majeurs évidents pour nos sociétés et leurs membres.

 

En conclusion, le développement psychologique des enfants est intimement lié au développement durable et à la façon dont allons prendre soin de notre environnement, de ses ressources actuelles et futures. Ces recherches montrent la nécessité d’avoir une vision globale sur l’évolution de notre société et des conditions environnementales qu’elle doit proposer afin de favoriser un développement psychologique optimum à nos enfants. Espérons que ces questions feront l’objet de débats et de projets sérieux durant les prochaines élections en Europe. 

 

Pr Édouard Gentaz

Professeur de psychologie du développement à Université de Genève et

Directeur de recherche au CNRS (LPNC-Grenoble)

Rédacteur en chef d’A.N.A.E

 

 

RÉFÉRENCES 

DUTTON, E. & LYNN, R. (2015). A negative Flynn effect in France, 1999 to 2008-9. Intelligence, 51, 67-70.

DEMENEIX, B. (2016). Le Cerveau endommagé. Comment la pollution altère notre intelligence et notre santé mentale. Paris : Odile Jacob.